GoGo, oeuf de Goléand et Gondole à Iwate

C’est le soir de mon arrivée à Osaka, il y a quelques semaines de ça, que se tenait le traditionnel dinner-party du mercredi au très friendly Small Tree Hostel.

J’avais décidé de loger en mode back-packer (lit superposé dans dortoir mixte) et surtout je suis arrivée avec l’envie de bavarder un peu plus que les ‘konnichiwa’ et ‘arigato gozaimass’ qui constituaient ma communication quotidienne jusque là.

Débarquée du Shinkansen avec le solstice d’hiver, il fesait moche: il pleuvait et mon sac à dos me pesait, comme un peu la solitude, ce jour-ci.

C’est donc avec grande joie que j’ai accueilli l’invitation de Yuri, le petit bout de femme hyper concentrée d’énergie et de pétillant qui gère l’hostel (après avoir elle-même voyagé partout en sac à dos) à participer à ce qui est devenu une institution: le Dinner & Party du mercredi.

Ce soir c’était « Do it Yourself Sushi » et c’est avec tout le naturel du monde que je me suis retrouvée, sabre de Ninja-chef à la main, au poste de découpe ‘légumes et omelette’ dans la cuisine ouverte, pendant que thon, saumon & co étaient levés en filets par les experts locaux.

Entre-temps, la vapeur douce qui se dégageait du dashi (bouillon de bonite, sardine séchée et algue Kombu) annonçait une petite soupe miso maison réconfortante.

C’est ainsi que j’ai atterri dans le groupe assez hétéroclite de nationalités et d’âges formé non seulement des hôtes de l’auberge (japonaise, pour le coup) : Australo-Vietnamien, Sud-Américain, Lillois-Japonisé, Canadien, Coréenne, Allemand-étudiant à Tokyo, …mais également de toute une série de profils sympathiques dont le calligraphe Soyamax (artiste de l’image d’en-tête) qui orbitent régulièrement autour de cet endroit dont la chaleur va au-delà de la table « kotatsu » chauffante.

img_1235-1

Après un karaoke en groupe qui n’a jamais vu le jour (ni la nuit d’ailleurs) j’ai fait la connaissance de Hirofumi: nous nous somme trouvés dans l’empire du milieu linguistique.

Entre son anglais initial et mon japonais inexistant nous avons quand même réussi à parler bouffe et desserts.

Il faut savoir que les japonais ont la dent sucrée et que chaque région a sa spécialité traditionnelle de « wagashi »: en général des douceurs à base de mochi (pâte de farine de riz sucrée) farcies de crèmes à base de haricots (souvent rouges, appelés « an »), mais une énormité de variantes existent.

Ces confiseries sont également offertes lorsqu’on rend visite à quelqu’un: et donc dans chaque gare et sur chaque quai, des échoppes proposent aux voyageurs distraits qui l’auraient oublié les spécialités locales, joliment emballées dans plusieurs couches de papier. Car la présentation fait la moitié du cadeau!

Et il se trouve que la baby-face de manga avec qui j’ai discuté en a fait son métier et exporte dans le reste de l’ïle de Honshu les spécialités de sa région, la préfecture de Iwate.

C’est comme ça que quelques jours plus tard j’ai très fièrement reçu mon premier cadeau japonais: des Oeufs de Goéland!    ….Ou Kamome no Tamago, pour ceux qui pratiquent.

Au début extrêmement perplexe par l’appellation de la chose -ici on peut trouver de tout dans son assiette…je m’étais donc préparée, l’esprit explorateur, à des vrais œufs- je découvre avec joie qu’ils n’en ont que la forme.

Et que ces petits gâteaux ont en réalité un cœur à base de haricots blancs sucrés, entouré d’une couche de gâteau-biscuit, lui-même enrobé d’un glaçage blanc.
Extrêmement délicieux!

Les premiers 4 sur la boite de 9 se volatiliseront à une vitesse incroyable 😉

De fil en aiguille je découvre ensuite que la région de Iwate se trouve sur mon parcours en train pour remonter vers Hokkaido, rejoindre mes amis au ski.
Hors des sentiers battus par les touristes, cette région qui allie vie rurale et production de composants électroniques se trouve tout au nord, dans cette partie de l’île moins connue si ce n’est pour la tristement célèbre Fukushima (à 300km plus au sud).

Et c’est comme ça que je suis invitée à en découvrir la beauté par Hirofumi qui, en guide attentionné, me plongera au cœur de la culture de sa terre natale.

La visite commence par un délicieux petit-déjeuner à base de petites boules de mochi, accompagnées de sauces différentes, de droite à gauche et de haut en bas (pour voir si vous êtes attentifs, et …dans le même ordre qu’on lit le japonais): sésame noir appelé ‘goma’, fèves de edamame sucrées, crème de noix, crème de haricots rouges azuki. Avec un bon thé matcha bien mousseux et les immanquables ‘pickles’ qui donnent le fameux goût umami.

img_3216

Ensuite, un tour en ‘pole boat’ ou la version locale de la gondola vénitienne: dans une 50aine de centimètres d’eau, des larges barques à fond plat glissent doucement sur la rivière qui parcourt la Gorge de Geibikei, d’un vert d’émeraude troublé uniquement par les canards qui se bagarrent les ‘croquettes’ que nous leur lançons.

La barque, aménagée pour l’hiver avec une longue table kotatsu et une ‘serre’ qui protègent du froid et de l’air, est pilotée et poussée à force de bras par les gondoliers qui manient avec agilité une longue perche en bambou.

img_3141

Sur les côtés, les flancs raides des roches qu’on dirait sortis d’une estampe, prennent ci et là des semblances humaines.

Tout au bout de la gorge, une esplanade en gravier nous permet de continuer la remontée de la rivière de quelques dizaines de mètres encore.

img_3210

C’est là que nous pourrons choisir 10 ‘cailloux’ en terre cuite, estampillés avec différents symboles (chance, prospérité, santé, amour, etc) qu’il nous faudra tenter de lancer dans un creux sur la parois pour voir notre vœux se réaliser: après quelques misérables tentatives de « lancé » de ma part, qui atterrissent invariablement dans l’eau après des trajectoires improbables (j’ai beaucoup de qualités, mais clairement pas celle-là! 😉 ), je cède mes galets à Hirofumi qui, entrainé au base-ball obtient plus de points que moi….et les applaudissements des présents!

Nous repartons pour le parcours inverse, cette fois-ci accompagnés par un très ancient chant traditionnel aux sonorités particulières, que nous chantera le guide, en laissant glisser les notes avec les silences entre nos pensées, au fil de l’eau.

Un moment hors du temps.

 

C’est ensuite vers le Chuson-Ji Temple à Hiraizumi (Unesco World Heritage) que nous nous dirigeons: sur les traces du poète Matsuo Basho (grand maître du haiku) et lieu sacré du Konjiki-dō (金色堂) ou ‘Temple d’Or’….sous la première neige qui se pose dans un silence respectueux sur les toits de chaume des pagodes en hibernation.

img_3320

Mais avant de repartir, c’est à la chasse aux œufs que je vais aller: une boîte de Kamome no Tamago sous le bras à offrir à mes amis qui m’attendent à Sapporo, pour partager avec eux cette trouvaille savoureuse.

Et une photo-souvenir avec la mascotte de la région!

Thank you Hirofumi, I’ll be back soon 🙂

image

Chic, le Shinkansen à 300 km/h (et Fuji en prime)

Le Shinkansen, c’est un train qui ressemble à un avion.

Mais qui est beaucoup mieux qu’un avion.

Car on ne vous emmerde pas avec les 100ml de liquides maximum et ‘non madame vous ne pouvez pas emporter votre Saint Félicien car il est coulant et donc non-solide et donc je dois le réquisitionner’ et être là 2h avant et le screening sécurité où limite si on vous déshabille complètement et ne pas perdre son billet car il faut le montrer 10 fois et ‘madame il n’y a plus de place en cabine, nous allons mettre votre bagage en soute’… et sans parler des embouteillages pour y arriver, à l’aéroport!

Bref, le train, c’est bien. Le Shinkansen, c’est zen.

Surtout si vous avez un JR Pass que vous avez acheté avant de partir. Ou alors vous avez un budget ‘transport’ considérable, car une traite d’une 1/2 heure peut coûter allègrement 60€ (en 2e).

 

 

Mais ‘first things first’, commençons par le début.

Le Shinkansen, aussi appelé Bullet Train, veut littéralement dire ‘Nouvelle Ligne Principale’ car sa construction à débuté en 1964 (!!!) avec le premier tronçon de 500km entre Tokyo et Osaka.

Il dessert aujourd’hui 20.000 km et peut arriver à une vitesse de pointe de 320 km/h sur certaines lignes.

Ce qui en language touriste, veut dire que vous pouvez explorer TOUT le Japon en train!

Car au delà des lignes rapides, le JR Pass couvre l’essentiel du réseau national, ce qui vous permet d’arriver jusque dans des bleds perdus comme Hotaka, lorsque je suis allée visiter la ferme de wasabi.

Avec une ponctualité inouïe: les haltes en gare ne durent que quelques minutes et vous avez intérêt à être déjà à la porte si vous sortez, ou, bien alignés devant le marquage au sol qui indique exactement où s’arrêtra votre voiture (wagon, en Belge) pour pouvoir monter immédiatement une fois les autres passagers débraqués.

image

Avec un meilleur confort qu’un Airbus 380, car ici, plein de place pour les jambes, une double prise pour charger vos joujoux électroniques (que vous ne devez pas mettre en ‘mode avion’, par contre on vous demande de téléphoner dans les cabines entre les voitures) et des sièges dont le dossier est basculable selon que vous préfériez voyager dans le sens de la marche ou pas. Équipés de toilettes hyperpropres (à ce propos, #Thalys ferait bien d’aller faire un tour pour voir comment s’améliorer) et avec des messages défilants + audio tant en japonais qu’en anglais. Il n’y a pas encore de Wi-Fi gratuit à bord, mais c’est le cas dans la majorité des gares.

Avec une petite madame, tablier fleuri croisé dans le dos, qui passe avec son chariot et vous propose boissons chaudes, bentos et parfois même glaces.

Et avant de passer dans la voiture suivante, elle se retourne vers les passagers et…s’incline gracieusement en un ‘light bow’ respectueux. À toutes les voitures. À tous les passages. Et les chefs de train, pareil.

Seul hic: et bien, à moins de traverser tout le Japon dans sa longueur en une seule fois, les trajets…se terminent trop vite. Et du coup on a envie d’en reprendre un autre!

Ce qui est vite décidé, grâce à l’App ‘Hyperdia’ -à ne télécharger que lorsque vous arrivez car elle est gratuite 30 jours à partir du downloar, après c’est payant- qui vous fournit les itinéraires et corréspondances compatibles avec votre JR Pass. (Merci Dédé)

Et ça a donné: Tokyo, Nagano (Hotaka), Matsumoto, Kyoto, Osaka, Nara, Osaka, Koyasan, Osaka, Naoshima, Hiroshima, Miyajima, Himeji, Hakone (vue sur Fuji), Tokyo.

Et ensuite, vers le nord, à Hokkaido…où je vais troquer les rails pour d’autres traces…de poudreuse, en snowboard!

image

Et si vous voulez voir le Mont Fuji sans bouger le petit doigt, prenez le Shinkansen entre Shizuoka et Tokyo et asseyez vous du côté gauche par rapport à la marche du train: si nuages et brumes ne sont pas de la partie, vous aurez droit à son joli chapeau tout blanc (en Hiver).

Tokyo, atterrissage.

Arriver à Tokyo, c’est atterrir dans une autre dimension. Et cela commence dès que vous sortez de l’aéroport pour prendre le train vers la ville.

Déjà, il faut savoir quel train et quel guichet! On a beau s’être informés avant, quand on arrive là et que 90% des textes sont des petits dessins très jolis mais incompréhensibles à l’européenne que je suis…et bien il y a quand même un petit moment de grande solitude.

Bon, MadameCiao n’a pas dormi sur l’avion, est jetlaggée, d’accord, mais on ne va pas se laisser abattre, surtout quand on a des prétentions de globe trotter dans des endroits bien moins civilisés par la suite.

Mode ‘Problem Solving ON’…Screening des alentours immédiats, analyse de la structure environnante et de la dynamique des flux de personnes, recherche rapide d’une logique qui interconnecterait logos, couleurs, …matcher les guichets avec les compagnies de transport…Je me lance et m’approche à un guichet où je reconnais le pingouin à fond vert, symbole de l’équivalent de notre Mobib (Navigo pour les FR), ici appelé Suica. Bon, au moins j’aurai ma carte de métro hein.

Je fais la file -ici on fait la file pour tout -bien rangés comme des sushis- et puis, lumière! Le gentil Môssieur-San parle anglais 🙂

Et du coup je reçois tout ce qu’il me faut comme explications : ma carte à Pingouin, mon ticket pour l’Express Liner vers la ville et un petit reçu. Le tout déposé respectueusement des deux mains dans un petit plateau au fond en poils caoutchouteux.


Je n’ai rien lu à ce propos dans le bouquin ‘Japan Étiquette’ prêté par un ami, mais l’omniprésence de ce plateau à monnaie dans tout type de commerce, du bouiboui à croquettes du marché, jusqu’aux comptoirs chicos de Mitsuoki à Ginza (équivalent local des Galeries Lafayette), me fait penser qu’il doit y avoir quelque chose derrière le fait de ne pas se passer de billet de main en main, mais plutôt de le déposer, respectueusement, avant que l’autre part impliquée dans la transaction ne le prenne.
Express Line, transbord vers le métro, un changement.   Il est 20:00 heure locale, dans ma tête..je ne sais plus.

Yess, les noms des stations sont écrits en anglais, comme la signalétique principale et les lignes de métro ont non seulement un code-couleur, mais également un ingénieux système de ‘code’ qui identifie la station. M17 pour la Tokyo Station.

Il n’y a pas grand monde à cette heure-ci, mais je me rends compte rapidement que les flux-piètons ont quelque chose qui cloche.
En fait, c’est moi qui suis à contre-courant, comme un koï qui se prendrait pour un saumon et remonterait le courant en faisant des Bubbhulles (poke Alain).

Ce n’est qu’en voyant plus tard les voitures avec le volant à droite (réminiscence de la présence Brit’ sur l’île) que je réalise que tout le reste est inversé aussi: on reste debout à gauche sur l’escalator, qui lui est sur la gauche pour monter. On se croise donc par la droite sur les trottoirs et surtout surtout dans les gares, si on ne veut pas se faire transporter malgré soi vers la sortie au lieu du quai, et bien…marche à gauche.

Ceci, avec le fait de n’arriver à RIEN décoder de ce qui est écrit en japonais participe à la sensation d’être retombée en enfance, quand on ne connaît encore rien aux règles et que les livres sont des objets mystérieux. Et même pire, certains dogmes chez nous, tels que l’interdiction absolue de faire du bruit en mangeant…et bien, sont ici signe d’appréciation.

Cela fait un sacré coup de gym à l’esprit, qui doit ajouter une nouvelle partition au disque dur là haut.

Mind blowing.

« But you like mind blowing experiences » commente un ami. Effectivement 😉
Et ce n’est que le début.

J’arrive sous une fine pluie au Tsubaki Hotel réservé via Booking (50€/nuit hors saison), dans le quartier tranquille et un peu décentré de Ueno. Immeubles à deux étages, vélos garés. 

Ma chambre fait 12m2 à tout casser, optimisés jusqu’au moindre recoin.

Y sont disposés, en toute harmonie feng-shui agréable: deux lits confortables avec kimonos bien pliés et tongs en paille, évier avec tout ce qu’on peut souhaiter quand on est une fille aux cheveux rebelles, minibar, coin à thé, cabine douche ample, toilette-Rolls Royce (j’y reviedrai) et une panoplie de boutons pour l’illumination/ventilation/chauffage. Plus efficaces que les Parisiens en termes d’optimisation d’espace!

Je me roule en maki sous la couette et savoure déjà les prochaines découvertes.

Ticket ‘Aller’ seul(e)

J’ai toujours eu la bougeotte…peut-être parce-que j’ai passé mes premières semaines de vie en passagère clandestine- à faire de la piste dans le Sahara à bord d’une Land Rover conduite par mon papa, avec pour seul GPS…un bédouin indigo. 

Ou parce que, bercée par les différentes langues parlées par ma maman, interprète à l’époque, je dois avoir cela dans le sang, d’être curieuse des autres cultures et de leurs façons de communiquer.

Bref, j’ai le ‘wanderlust’ (mot qui -by the way- n’est pas du tout utilisé par les Allemands, j’ai vérifié) en mode gène-dominant dans mes chromosomes.

Cette fois-ci c’est un voyage tant extérieur qu’intérieur que j’entame.

Il y a quelques mois j’ai quitté un travail qui n’était plus en harmonie avec qui je suis devenue. Et dans ce processus de métamorphose…je quitte aujourd’hui nid douillet, amis aimants, amant aimant, famille coquille, pour d’autres cieux.

Go East, life is peaceful east… 😉

Cela fait des années que l’Asie me fait du pied. Et l’avant goût que j’en ai eu au Népal (1998) et Vietnam (2013) devait avoir du glutamate dedans car depuis cette saveur de ‘reviens-y’ ne m’a pas lâché.

Donc voilà, bottines, sac à dos et quelques Miles en avion, j’arpenterai ce coin de notre belle TerraMadre pendant quelques temps.

Première étape: Japon | Tokyo

Sayonara!